Pour ceux qui le connaissent je parle bien DU MURPHY et si cela vous rappelle des souvenirs j'aurai quelque peu contribué à vous faire travailler votre mémoire, en ces temps d'alzheimer c'est un exercice salutaire.

Pour ceux qui ne le connaissent pas je vais vous prĂ©senter mon ami MURPHY. C'est un garçon qui gagne Ă  ne pas ĂŞtre connu, non pas qu'il soit dĂ©sagrĂ©able, il prĂ©sente bien dans le style gendre idĂ©al, si vous voyez ce que je veux dire. Intellectuellement il est intĂ©ressant Ă  Ă©couter toujours plein d'anecdotes drĂ´les voire hilarantes, parfois pathĂ©tiques en omettant toujours celles qui sont dramatiques. C'est un chercheur, un thĂ©oricien qui Ă©tudie les liens possibles entre des Ă©vènements, leurs causes et leurs consĂ©quences. C'est du sĂ©rieux. Ce que je lui reproche c'est de s'inviter de façon impromtu et de s'imposer, limite sans-gĂŞne et surtout qu'Ă  chaque fois son passage, voire sa visite Ă©clair nous impose des dĂ©penses. C'est pour cela que j'ai intitulĂ© mon titre : mon très CHER ami MURPHY. Ce cher n'est pas un signe particulier d'affection, loin s'en faut, mais plutĂ´t de dĂ©saffection financière.

Que vient faire, me direz-vous, ce personnage dans notre étape Palma de Majorque/Carthagène, normalement nous devions être que deux. Et bien, il s'est invité, comme à son habitude subrepticement, comme un passager clandestin, le bougre.

Donc samedi 29 septembre vers 11h30 nous quittons la marina du Real Club de Palma avec une fin de coup de vent de la veille soit un vent de 20 noeuds établis dans le nez ce qui nous oblige à partir au près en direction de l'ile de Cabrera, pour une destination devant nous placer initialement au sud d'Ibiza (cap au 160). Regardez sur la carte, Palma/Ibiza ce n'est pas pareil que Palma/ Cabrera. Donc en cours de nuit, après 56 miles je décide de mettre le moteur et cap sur Fromentera (au 280) au sud d'Ibiza, en avant toute. Après 5 heures de moteur, virement de bord (cap 227) pour encore 4 heures, nous sommes le dimanche 30. A 9 heures du matin arrêt du moteur et navigation à la voile, pour un voilier c'est somme toute normal. Petit réajustement du cap (257) qui devrait nous permettre de suivre la route tracée vers Carthagène. En fin de nuit le vent cale, nous tombons à 8 noeuds, c'est à dire rien car nous sommes toujours au près. Nous sommes grosso modo à mi-parcours. Je décide donc de mettre le moteur en route, démarrage instantané, j'augmente les tours progressivement pour atteindre la vitesse de croisière habituelle 5 noeuds, je ne veux pas forcer sur la mécanique. nous étions à 2 noeuds sous voile, nous sommes toujours à un peu moins de 2 noeuds car j'ai laissé la grande voile à poste. J'augmente le nombre de tours minutes, pas de changement. Cool.

Test, retest rien n'y fait il n'y a pas de puissance. le moteur est bon, l'inverseur (la boîte de vitesse si vous voulez) est bon, la conclusion est que l'hélice est restée bloquée en position mise en drapeau puisqu'elle ne délivre pas de puissance. Il fait nuit, le mer est agitée nous verrons cela au petit jour. A 11 heures du matin, le lundi 1er octobre, Brigitte se réveille pour prendre son quart (remarquez au passage l'heure du réveil, il y en a qui sont vraiment en vacances...) le vent est toujours aussi violent, parfois 5 noeuds voire 7,8 dans les rafales par contre la mer s'est beaucoup calmée et je vais pouvoir plonger pour essayer de débloquer l'hélice. J'annonce toutefois à Brigitte que pendant la nuit, Stanley, notre pilote, Anglais, automatique, sachant que notre destination était Cathagène puis Gibraltar a décidé de nous faire un coup de Trafalgar et de nous abandonner lachement au petit matin. Plus de pilote signifie tenir la barre 24 heures sur 24. Cool.

Je m'équipe plongeur sous-marin, merci au club de plongée pour la formation dont j'applique les règles à la lettre. Une fois équipé, rediscussion avec Brigitte sur les hypohèses de pannes de la plus simple, hélice mise en drapeau, coincée par un fil de pêche un morceau de filet, à la pire, la perte de l'hélice mais vous conviendrez que là c'est ma version pessimiste des choses. Jean-Luc égal à lui-même, réaliste.

Donc je plonge, de part mon niveau de plongée je suis limité à une profondeur de 20 mètres donc je n'ai pas regardé ce que j'ai sous les palmes et puis l'hélice n'est qu'à 1 m sous l'eau. Allez plouf! mais pas longtemps, même pas eu le temps de décompresser je suis déjà remonté, je ne sais même pas si les palmes sont rentrées dans l'eau. Stupeur, effroi, incompréhension, interrogation, est-ce possible? oui, c'est possible et nous l'avons fait, enfin MURPHY l'a fait, nous avons perdu l'hélice, toute l'hélice le moyeu, dont il faut un extracteur pour l'ôter, les pales (3) et l'engrenage. Bref il ne reste que l'arbre d'hélice. Donc résumons nous n'avons plus d'hélice, plus de pilote automatique et pas ou peu de vent. Cool.

Il reste, à la louche, 150 miles nous les ferons à la voile en tirant des bords, plus ou moins long et on rentrera à Cathagène à la voile, si le vent reste comme il est et comme l'annonce les fichiers grib c'est jouable. De toutes les façons nous n'avons pas le choix. En route. Après quelques heures nous toucherons un vent un peu plus portant, pas violent mais nous permettant de tenir une vitesse de 4 noeuds au largue (vent de travers). Il est 19 heures ce mardi 2 octobre et nous décidons d'appeler la marina pour leur demander si ils ont une place disponible et si ils peuvent venir nous prendre en charge pour accoster car nous ne sommes pas manoeuvrant MURPHY nous ayant fait une farce. A moitié en espagnol, en anglais ce n'est pas facile d'expliquez MURPHY quant à parler avec les mains au téléphone ou à la vhf ce n'est pas très efficace. Nous arrivons à nous faire comprendre et ils nous aideront dès que nous les appellerons sur le canal 9 vers 1 heure ou 2 heures du matin, arrivée prévue, d'après mes calculs. En longeant la côte dans les derniers dizaines de miles à parcourir le vent cale à nouveau et nous oblige à virer de bord à plusieurs reprises pour avancer vers la baie de Carthagène. Et là, à peine à 4 milles de la marina, dans la baie et le chenal d'accès au port, l'anémomètre m'indique 0 noeud de vent. Cool.

Il est 3 heures du matin, vent nul, mer miroir pas une seule petite ride il semble qu'il n'y ait pas non plus de courant, heureusement car la côte n'est pas loin. Nous essayons, en vain de contacter la marina à la vhf, mais les batteries ne sont pas suffisamment chargées pour donner la puissance nécessaire à l'émission de la vhf fixe quant à la portable sa portée n'est pas non plus suffisante. Je n'ai pas voulu faire tourner le moteur à vide et à la gite pour charger les batteries, il ne manquerai plus que je lessive les pistons et doive réparer le moteur. En désespoir de cause et je vous l'avoue avec un peu de honte et un orgueil piqué au vif et le regret d'avoir échouer si près du but nous décidons d'appeler nos amis de Salvamiento Maritimo, vous savez ceux qui sont venus nous chercher au large de Barcelonne il y a un mois, pas les mêmes mais leurs collègues. Compte tenu de la distance le remorquage a été plus rapide et surtout beaucoup moins coûteux. Au moins ça. A 5 heures du matin nous amarrons le bateau, après près de 90 heures de navigation pour 322 miles parcourus, soit une moyenne de 3,5 noeuds. Cool.

Donc nouvelle escale technique pour faire fabriquer une nouvelle hélice, réparer le pilote en changeant la courroie de transmission qui a cassé et essayer entre temps de solutionner une BLU toujous inopérante et surement d'autres broutilles histoire d'occuper le temps libre. Quand je pense que d'aucuns se demandaient si nous n'allions pas nous ennuyer pendant ces longues heures en mer. Je peux les rassurer en leur disant qu'il n'en ai rien. MURPHY est là. Cool.

A bientĂ´t.

parcours en ZIG et ZAG